La responsabilité pénale des influenceurs : un nouveau défi juridique à l’ère du numérique

Dans un monde où les réseaux sociaux règnent en maîtres, les influenceurs sont devenus de véritables stars du web. Mais avec la notoriété viennent les responsabilités. Quelles sont les limites légales de leur influence et comment la justice s’adapte-t-elle à ce phénomène moderne ?

Les fondements juridiques de la responsabilité pénale des influenceurs

La responsabilité pénale des influenceurs s’inscrit dans le cadre général du droit pénal français. Elle repose sur le principe selon lequel toute personne est responsable de ses actes devant la loi. Les influenceurs, en tant que personnes physiques exerçant une activité publique, n’échappent pas à cette règle. Leur statut particulier les expose même à des risques accrus en raison de leur visibilité et de leur capacité à influencer un large public.

Le Code pénal ne prévoit pas de dispositions spécifiques pour les influenceurs, mais les infractions de droit commun leur sont pleinement applicables. Ainsi, ils peuvent être poursuivis pour des délits tels que la diffamation, l’injure publique, l’incitation à la haine ou encore la publicité mensongère. La loi pour la confiance dans l’économie numérique (LCEN) de 2004 encadre par ailleurs leur responsabilité en tant qu’éditeurs de contenus en ligne.

Les infractions spécifiques liées à l’activité d’influenceur

Certaines infractions sont particulièrement susceptibles d’être commises par les influenceurs dans le cadre de leur activité. La promotion de produits contrefaits est un délit fréquent, sanctionné par le Code de la propriété intellectuelle. Les influenceurs qui vantent les mérites de produits contrefaits s’exposent à des poursuites pour complicité de contrefaçon.

La publicité déguisée est une autre pratique à risque. Selon l’Autorité de Régulation Professionnelle de la Publicité (ARPP), les influenceurs doivent clairement identifier les contenus sponsorisés. Le non-respect de cette obligation peut être qualifié de pratique commerciale trompeuse, passible de sanctions pénales.

Les escroqueries et abus de confiance sont des infractions qui peuvent concerner les influenceurs proposant des services ou produits frauduleux à leur communauté. Le Code de la consommation prévoit des sanctions sévères pour ces pratiques, pouvant aller jusqu’à des peines d’emprisonnement.

La responsabilité pénale des influenceurs mineurs

La question de la responsabilité pénale se pose avec acuité pour les influenceurs mineurs, de plus en plus nombreux sur les réseaux sociaux. Le droit pénal français prévoit que les mineurs capables de discernement sont pénalement responsables de leurs actes. Toutefois, leur minorité est prise en compte dans l’application des peines.

Pour les influenceurs mineurs, la responsabilité peut être partagée avec les parents ou tuteurs légaux. Le Code civil prévoit en effet une responsabilité des parents pour les dommages causés par leurs enfants mineurs. Cette responsabilité peut s’étendre aux actes commis en ligne par un influenceur mineur.

Les juridictions pour mineurs sont compétentes pour traiter les affaires impliquant des influenceurs de moins de 18 ans. Les mesures éducatives sont privilégiées, mais des sanctions pénales peuvent être prononcées dans les cas les plus graves.

L’extension de la responsabilité aux marques et agences

La responsabilité pénale des influenceurs peut, dans certains cas, s’étendre aux marques et agences avec lesquelles ils collaborent. Les entreprises qui font appel à des influenceurs pour promouvoir leurs produits peuvent être considérées comme complices si elles ont connaissance des pratiques illégales de ces derniers.

Le Code de la consommation prévoit une responsabilité solidaire entre l’annonceur et l’influenceur en cas de publicité mensongère. Les marques ont donc tout intérêt à encadrer strictement leurs partenariats avec les influenceurs pour éviter d’engager leur propre responsabilité pénale.

Les agences d’influence marketing jouent un rôle d’intermédiaire et peuvent être tenues pour responsables si elles ont participé à l’élaboration de campagnes illégales. Leur devoir de conseil auprès des influenceurs et des marques les oblige à une vigilance accrue.

Les défis de l’application de la loi dans l’univers numérique

L’application de la responsabilité pénale aux influenceurs se heurte à plusieurs obstacles liés à la nature même d’Internet. La territorialité du droit pénal est mise à l’épreuve par le caractère transnational des réseaux sociaux. Les influenceurs basés à l’étranger peuvent échapper plus facilement aux poursuites en France.

La volatilité des contenus en ligne complique également le travail des enquêteurs. Les stories éphémères ou les lives peuvent disparaître rapidement, rendant difficile la constitution de preuves. Les autorités doivent s’adapter et développer de nouvelles techniques d’investigation numérique.

La masse de contenus produits quotidiennement par les influenceurs rend impossible un contrôle exhaustif. Les signalements des utilisateurs et la collaboration des plateformes sont essentiels pour identifier les infractions. La loi contre la manipulation de l’information de 2018 impose d’ailleurs aux réseaux sociaux une obligation de coopération avec la justice.

Vers une régulation spécifique de l’activité d’influenceur ?

Face aux spécificités de l’activité d’influenceur, certains appellent à la création d’un cadre juridique dédié. Le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel (CSA), devenu Arcom, a déjà émis des recommandations pour encadrer les pratiques des influenceurs, notamment en matière de publicité.

Une proposition de loi visant à encadrer l’activité d’influenceur commercial sur les réseaux sociaux a été déposée en 2022. Elle prévoit notamment la création d’un statut spécifique et l’obligation de suivre une formation sur les responsabilités légales liées à cette activité.

La mise en place d’une charte de déontologie pour les influenceurs est également envisagée. Elle permettrait de fixer des règles éthiques et de sensibiliser les acteurs du secteur à leurs responsabilités pénales potentielles.

La responsabilité pénale des influenceurs est un sujet en pleine évolution. Entre adaptation du droit existant et création de nouvelles normes, le législateur cherche à répondre aux défis posés par cette nouvelle forme d’expression publique. L’enjeu est de trouver un équilibre entre la liberté d’expression, la protection des consommateurs et la sécurité juridique des acteurs du secteur.